29 juillet 2014

SÉLECTION DU PRIX DES LECTEURS LIVRE DE POCHE – JUILLET 2014


Sixième mois de lecture, encore trois romans que je ne connaissais pas. La dernière ligne droite s’annonce, avec toujours cette grande variété dans les sélections.

 
Michael URAS – Chercher Proust
C’est décidé, je vais relire le premier tome de la recherche de Marcel PROUST. Et je viens d’acheter le second tome.  Tout cela grâce à ce roman de Michael URAS, Chercher Proust, où l’adoration de l’auteur (Michael URAS) pour son mentor (Marcel PROUST) confine à l’obsession paranoïaque. Rempli de clins d’œil à l’œuvre,  Michael URAS nous livre un roman passionnant, léger de prime abord mais au final extrêmement bien construit. Une belle réussite !
Michael URAS | Chercher Proust | Le Livre de Poche | Parution : 04/2014 | 224 pages | Prix indicatif : 6,10 €.


Bonnie Jo CAMPBELL – Il était une rivière
Etrange mauvais pressentiment, en lisant la quatrième de couverture de ce roman, d’imaginer que je vais devoir affronter un remake du poussif et ennuyeux à mourir Sukkwan island de David VANN (récompensé par le Médicis étranger en 2010, salué par la critique, gros succès commercial dont je ne comprends toujours pas aujourd’hui l’attrait), impression que j’avais aussi eu avant de lire Banquises de Valentine GOBY, mais l’impression s’était dans ce cas-là vite dissipée. Malheureusement pour Bonnie Jo CAMPBELL, et encore plus pour moi, les 456 pages de ce roman m’ont été un véritable calvaire. Comment entrer une seule seconde dans la peau de ces personnages tellement peu réalistes dans leurs comportements (quand on a seize ans et que son père se fait tuer à coup de fusil devant ses yeux, il n’est pas difficile d’imaginer une réaction violente, sanguine ; mais non) ? C’est long, l’intrigue est stérile, il ne se passe pour ainsi dire rien, un peu comme si je vous racontais ma semaine de travail sur plusieurs centaines de pages, et j’ai cette désagréable sensation de me trouver face à un texte fait de remplissages inutiles. Intérêt très faible, écriture sans relief, intrigue quelconque : un échec à mes yeux.
Bonnie Jo CAMPBELL | Il était une rivière | Le Livre de Poche | Parution : 04/2014 | 456 pages | Prix indicatif : 7,60 €.
 

Jennifer McVEIGH  -  La route du cap
Je l’avoue, ce n’est pas sans me départir de préjugés que j’ai abordé la lecture de ce roman, qui drainait derrière lui, Dieu sait pourquoi, une forte connotation fleur bleue (la couverture sans doute). Et c’est vrai que le roman navigue souvent dans des eaux particulièrement mielleuses, où l’on s’enfonce souvent dans le sentimentalisme de la ménagère de moins de cinquante ans. Mais allez savoir pourquoi, on s’accroche à ces 552 pages pour ne pas les lâcher, sentant la limite tenu entre le roman à l’eau de rose et la littérature un peu plus envolée. Et même si la fin s’écroule assez misérablement, La route du cap reste une agréable lecture, bien que sans lendemain.
Jennifer McVEIGH  | La route du cap | Le Livre de Poche | Parution : 05/2014 | 552 pages | Prix indicatif : 7,90 €.

SÉLECTION DU PRIX DES LECTEURS LIVRE DE POCHE – JUIN 2014


Cinquième mois de lecture, tombé dans ma boîte aux lettres le 24 mai 2014, et trois nouveaux romans totalement inconnus. C’est peu de dire que les résumés des romans dans la sélection ne m’attirent pas plus que ça. La lecture de ces 1 488 pages va malheureusement venir confirmer cette première impression, car pour la première fois je me retrouve avec une sélection dans laquelle, à mon avis, aucune épingle ne ressort. Même si la lecture de ces trois romans est plutôt agréable, tout est trop lisse, sonne souvent faux, et surtout est quasiment dénué de profondeur. Cerise sur le bratwurst, chacun de ces livres m’a fait penser à un autre roman, en (beaucoup) moins bien.


 François LELORD – La petite marchande de souvenirs
Ou une histoire d’homme, de femme, d’amour, sur fond de Vietnam. La chronique pourrait s’arrêter là, tant ce roman est convenu. Style lisse, personnages fuyants et sans grande profondeur, on pense à l’épopée d’Alexandre YERSIN superbement développée par Patrick DEVILLE dans son roman Peste & choléra (prix Femina 2012) en beaucoup moins bien. C’est creux, plat, sans aucune rugosité sur laquelle se retenir, et surtout je n’ai pas compris l’intérêt de ce roman. Dommage.
François LELORD | La petite marchande de souvenirs | Le Livre de Poche | Parution : 02/2014 | 408 pages | Prix indicatif : 7,10 €.

 
Cristina ALGER – Park Avenue
Ce roman avait tout pour ne pas me plaire, entre chronique mondaine d’une golden family dans le Manhattan des beaux quartiers et crise financière, un habillage pas franchement des plus sexy pour une intrigue qui, finalement, au fil des pages, s’installe implacablement. On finit par s’attacher à ces personnages pourtant tout entiers dans le paraître, à vouloir qu’ils se sortent d’un engrenage qu’ils n’ont pas tous volontairement sabordé. L’écriture est suffisamment subtile pour ne pas plonger dans le mélo mielleux, et Cristina ALGER suffisamment fine pour ne pas conclure par le happy end pourtant attendu, et mettre les personnages face à leur réalité. Une immersion totale et réussie dans les hautes finances de ce monde.
Cristina ALGER | Park Avenue | Le Livre de Poche | Parution : 05/2014 | 480 pages | Prix indicatif : 7,60 €.


William NICHOLSON  -  L’intensité secrète de la vie quotidienne
Je ne connaissais absolument pas William NICHOLSON, et je vivais très bien. Mais là, on nous présente un écrivain aux allures de génie littéraire en passe d’écrire une œuvre colossale. Et que dire de cette postface signée par la traductrice française, en fin de roman, sinon qu’elle ressemble à s’y méprendre à un piège pour lecteurs décérébrés, sorte de message subliminal invitant le lecteur à idolâtrer sa nouvelle divinité. Alors je ne dis pas non plus que  William NICHOLSON écrit comme mes pieds, mais on est quand même très loin de Proust, Flaubert ou Georges PEREC (« La vie mode d’emploi », qui a quand même plus fière allure que cette « intensité secrète de la vie quotidienne », étrange pourtant que j’ai pensé à cette référence de la littérature moderne). Dans le pedigree du bonhomme, on insiste sur son côté homme de l’ombre, lui qui a coécrit le scénario du film Gladiator (réalisé par Ridley Scott, ça en jette). Il n’empêche, je me suis ennuyé tout le long de ces 600 pages, m’agrippant parfois à l’espoir d’un rebondissement haletant, en vain. Six jours en campagne anglaise accompagné d’une douzaine de ses habitants, cent pages par jour, c’est à la fois beaucoup mais peu. Trop pour moi en tout cas.
William NICHOLSON  | L’intensité secrète de la vie quotidienne | Le Livre de Poche | Parution : 05/2014 | 600 pages | Prix indicatif : 8,10 €.

29 mai 2014

SÉLECTION DU PRIX DES LECTEURS LIVRE DE POCHE – MAI 2014



Quatrième fournée réceptionnée le 28 avril 2014. Un gros mois avec non pas 3, mais 4 romans à lire avant le 31 mai, pour un total de 1 832 pages. Mais je reprends le sourire avec une sélection du mois précédent pas très glorieuse, les quatre romans de ce nouveau cru ayant l’air bien plus appétissants. Fidèle à mon habitude désormais, je vais commencer par le roman le plus court et le plus caustique pour finir, en apothéose, par le plus long, qui obtiendra mon suffrage tant sa lecture fut passionnante. Pour découvrir qu’entre ces deux romans jubilatoires, ce sera le désert.
Emilie DE TURCKHEIM – Le joli mois de mai
Oubliez la couverture beaucoup trop fleur bleue, oubliez le titre de ce roman, à prendre au second degré, Emilie DE TURCKHEIM nous plonge dans un huis clos caustique, mélange savant entre Agatha Christie et Georges Simenon, le tout habillé d’une ironie sourde. Un petit roman léger, certes, mais extrêmement bien ficelé, le genre de roman idéal pour se détendre entre deux classiques. Un petit bijou et, pour le prix, à ne pas rater. Une fois la dernière page tournée, je pensais déjà tenir mon roman, préféré de ce mois de mai.
Emilie DE TURCKHEIM | Le joli mois de mai| Le Livre de Poche | Parution : 01/2014 | 128 pages | Prix indicatif : 5,10 €.


Valérie GANS – Le bruit des silences
Si l’habillage était alléchant, et que la lecture de ce roman est très facile et fluide (incroyable le nombre de romans qu’on lit facilement mais qui sont d’une platitude incroyable), c’est typiquement le genre de bouquins que j’ai en horreur. Tout juste digne d’une adaptation pour la télévision sur une chaine exotique de la TNT, on croit se promener dans un épisode raté de Joséphine ange gardien. Le thème est inintéressant (une histoire de femmes, de couples qui se déchirent, de secrets de famille qui sonnent faux), tout est creux et les personnages sont pathétiquement normaux, à l’image de notre cher président. Ajouté à cela une allusion à peine masquée au « Cinquante nuances de Grey » de E.L. James (« Anxieux, il plongea les yeux dans ceux de sa femme, quémandant une réponse. Jamais il n’avait remarqué les cinquante nuances de gris qui s’y bousculaient » - page 304), et vous aurez compris le propos : un roman de gonzesse au sens le plus péjoratif, à peine digne des plages de cet été. Désolant de platitude.

Valérie GANS | Le bruit des silences | Le Livre de Poche | Parution : 04/2014 | 408 pages | Prix indicatif : 7,60 €.

Natasha SOLOMONS  -  Le manoir de Tyneford
Là encore, tout comme « La maison de Sugar Beach » de Hélène COOPER, le thème de ce roman me paraissait intéressant (l’exil d’une bourgeoise famille juive d’Autriche dans la campagne anglaise durant la seconde guerre mondiale). Mais malgré une écriture fluide, je n’ai pas réussi à accrocher les personnages, tous sonnants faux dans leurs réactions. On retiendra le fond intéressant, la forme est absolument à revoir. Peut-être dans un autre roman ?
Natasha SOLOMONS  | Le manoir de Tyneford | Le Livre de Poche | Parution : 04/2014 | 528 pages | Prix indicatif : 7,60 €.

Nicolas D’ESTIENNES D’ORVES  -  Les fidélités successives

Les fidélités successives nous plonge dans l’œil du cyclone, au cœur du mal, dans cette France de l’occupation tiraillée par tous ses démons. La justesse historique, parfois enrobée, est magnifiée par la puissance romanesque de la formidable et dramatique épopée de Guillaume BERKELEY. Ce livre est une vague de boue que rien n’arrête, une lame de fond qui dévaste le lecteur à chaque page. L’auteur en profite pour faire passer un message à son ex-directeur, parton de France Musique, Marc-Olivier DUPIN (le lugubre et suicidaire personnage Marco DUPIN du roman), nous faisant également côtoyer l’animal nazi au travers de sombres collaborationnistes tel Lucien REBATET. La plongée dans cette gangue historique se fait avec le cœur au bord des lèvres, redécouvrant des pans de cette sale histoire comme l’exil du régime de Vichy et d’une partie de ses sbires (dont Céline) à Sigmaringen, largement évoqué dans le dernier roman de Pierre ASSOULINE (« Sigmaringen », justement) ou « D’un château l’autre » du précédemment évoqué Louis-Ferdinand Céline. On en sort essoufflé, déboussolé, perdu, mais repu. Une expérience incontournable pour un grand roman comme on aimerait en lire plus souvent.
Nicolas D’ESTIENNES D’ORVES  | Les fidélités successives | Le Livre de Poche | Parution : 04/2014 | 768 pages | Prix indicatif : 8,60 €.

 

SÉLECTION DU PRIX DES LECTEURS LIVRE DE POCHE – AVRIL 2014

Troisième livraison reçue le 24 mars 2014. Pas une grande sélection, puisque mon choix se portera finalement sur La demoiselle des Tic-Tac de Nathalie HUG, presque ex-aequo avec le troublant Yellow birds et Kevin POWERS (qui remportera d’ailleurs cette sélection du mois d’avril), mais ce choix se fera à défaut de mieux, malgré certains qualités. Seule certitude, Swamplandia de Karen RUSSEL est hors course. Un roman sans intérêt, creux, ennuyant. Le détail ci-dessous :


Nathalie HUG – La demoiselle des Tic-Tac
Immobiles, ivres d’ire, Rosy et sa mère se terrent dans leur cave. Elles sont allemandes, admirent Hitler, et vivent dans la Lorraine occupée. La proximité de la mort force la vie vers une finesse qui les conduit doucement vers une paix intérieure. En 1944, pilonnées, à nouveau déracinées, mère et fille reviennent aux angoisses naturelles de la terre. Quelle nouvelle vie naîtra alors à l’article de leur mort ?
Nathalie HUG | La demoiselle des Tic-Tac | Le Livre de Poche | Parution : 01/2014 | 168 pages | Prix indicatif : 6,10 €.
 
Kevin POWERS – Yellow birds
Les Etats-Unis n’en finissent pas de faire la guerre, puis de faire la guerre à leurs démons. Yellow birds fait mal avec cette histoire quasi autobiographique de Bartle et Murphy, jeunes soldats de 18 – 20 ans envoyés au charbon irakien. L’ambiance est lourde, les propos sont acerbes, les scènes plongent dans l’horreur avec un détachement qui ne fait que cacher les douleurs psychologiques qu’on se refuse toujours à soigner au pays de l’Oncle Sam. Un roman dur mais nécessaire. Il n’empêche, malgré ses grandes qualités, je ne peux m’empêcher de me demander si le jury, en lui donnant la majorité des voix, n’a pas été influencé par le bandeau accolé à sa couverture (« prix littéraire Le Monde » et « meilleur premier roman étranger du magazine Lire »), trouvant ainsi une légitimité officielle à son choix.
Kevin POWERS | Yellow birds | Le Livre de Poche | Parution : 04/2014 | 240 pages | Prix indicatif : 6,60 €.
 
 

Karen RUSSELL  -  Swamplandia
Si le mois précédent je n’avais trouvé aucun intérêt aux romans de Hélène COOPER et Antonio PENNACCHI, on pouvait au moins leur reconnaître une volonté, bien que maladroite, de vouloir évoquer une histoire douloureuse et souvent méconnue du grand public. Avec Swamplandia, Karen RUSSELL ne nous propose même pas un sujet historique fondateur et méconnu, mais la simple histoire alambiquée d’une famille gérant un parc d’attractions. C’est un euphémisme que de dire que je me suis ennuyé à lire ce petit pavé (480 pages), dans lequel on ne comprend pas où l’auteur veut nous emmener, vers quelle réflexion il veut nous pousser. Lourd, bâclé et inutile, je me demande encore comment ce roman a pu être finaliste du prix Pulitzer (?), s’est retrouvé traduit dans une quinzaine de langues et est en cours d’adaptation pour la télévision… Un mystère.
Karen RUSSELL  | Swamplandia | Le Livre de Poche | Parution : 01/20143 | 480 pages | Prix indicatif : 7,60 €.

24 mars 2014

SÉLECTION DU PRIX DES LECTEURS LIVRE DE POCHE – MARS 2014

 Deuxième colis réceptionné le 22 février 2014. A la découverte de cette seconde fournée, impression plus que mitigée : je ne connais aucun de ces romans, n’en avait pas entendu parler, et j’avoue que les couvertures ne m’attirent pas plus que ça (petite remarque aux éditeurs : faites encore plus d’effort pour nous donner envie de lire, avec des couvertures attirantes, please). Et pour finir de refroidir l’ambiance, un rapide examen du nombre de pages (1 584 pages, contre 936 le mois précédent) me laisse imaginer le défi à relever ce mois-ci. Mais, après tout, la découverte d’auteurs et de romans a fait partie de mes motivations au moment de m’inscrire à ce prix ; je me lance donc à corps perdu dans la lecture dès le 26 février, une fois fini mon roman en cours : Ravage, de René BARJAVEL, lu il y a très longtemps au lycée, relu avec un regard totalement différent aujourd’hui, et sorti, quand même, il y a plus de 70 ans ! Alors que j’hésitais longuement le mois dernier, ma sélection du mois est évidente avec deux romans anodins pour moi, et un roman génial qui prend la tête largement. Voyons maintenant le résultat final du vote des jurés (s’ils ne me suivent pas, promis, je fais pipi partout). Chroniques des 3 romans de la sélection ci-après :

Hélène COOPER – La maison de Sugar Beach
Deux raisons de débuter mon marathon de lecture ce mois-ci par La maison de Sugar Beach : d’abord il s’agit du roman le plus court de la sélection (432 pages seulement, oserais-je dire), et comme je suis désespérément pragmatique jusqu’au bout du slip, à tendance un peu lourd parfois, le volume devient vite l’argument principal de mon choix pour débuter les hostilités mensuelles. Deuxièmement, la lecture de la quatrième de couverture m’a intrigué : le roman – document, en fait véritable témoignage, nous invite à revivre, et pour moi découvrir, la dramatique destinée du Libéria, fondé au début du 19ème siècle par une société américaine de colonisation pour y installer des esclaves noirs libérés. Coincé entre la Guinée et la Cote d’Ivoire, le pays connaitra des tensions extrêmes entre la population autochtone et ces américano-libériens sous couvert d’une influence majeure des Etats-Unis (merci cousine Eric de m’avoir fait remarquer la ressemblance volontaire entre le drapeau des Etats-Unis et celui du Liberia). Seulement voilà, malgré d’excellentes intentions, je n’ai pas réussi à plonger dans ce récit, à m’en imprégner et à faire corps avec lui. Car il ne se passe rien ou presque dans ces 432 pages, ou plutôt on devine qu’il se passe plein de choses mais elles sont tellement peu décrites, avec un manque de force dans l’écriture et tellement peu d’intensité dans le récit qu’on finit vite par s’ennuyer. Pour tout vous dire, j’ai failli abandonner la lecture à partir de 150 pages lues, me forçant à lire encore 2 ou 3 chapitres pour atteindre un moment du récit qui devait vraisemblablement être un tournant dans la pseudo intrigue, mais en fait non, rien. Je suis malgré tout arrivé au bout de ce récit en trainant les pieds, en me précipitant sur wikipedia pour en apprendre un peu plus sur l’histoire du Liberia (j’aurais au moins appris quelque chose, soyons positif). Définitivement pas mon coup de cœur de ce mois, un mois de lecture qui débute donc assez mal.
Hélène COOPER | La maison de Sugar Beach | Le Livre de Poche | Parution : 09/2013 | 432 pages | Prix indicatif : 7,60 €.


Irvin YALOM – Le problème Spinoza
Les lectures se suivent et ne se ressemblent pas, et les joies sont diverses. Resté sur ma faim avec cette histoire du Libéria pas suffisamment abordée à mon goût, j’aborde Le problème Spinoza avec beaucoup de curiosité (quel point commun entre le célèbre philosophe juif et Alfred Rosenberg un idéologue antisémite du régime nazi très proche de Hitler ?...). Et c’est peu de dire que je me suis plongé dans ce roman avec jubilation ! Tout est éblouissant dans ce roman qui se lit sans répit, sans aucun temps mort. Dévoré en 5 jours à peine, voici le genre de découverte que j’attendais au travers de cette expérience de juré. L’aridité des thèses éditées par Baruch SPINOZA est subjuguée ici par le style très littéraire de Irvin YALOM, qui rend ces personnages extrêmement vivants. Une plongée extraordinaire dans les méandres des esprits tour à tour critique et curieux de Spinoza, puis trouble et pervers de l’idéologue nazi Alfred Rosenberg. Une formidable aventure menée tambour battant par un Irvin YALOM magistral à la barre de ce roman épique. Un bonheur littéraire ! Mon coup de cœur du mois (je me suis d’ailleurs précipité pour acheter Et Nietzsche a pleuré, autre roman de l’auteur, à lire dès que je trouve le temps).Irvin YALOM | Le problème Spinoza | Le Livre de Poche | Parution : 01/2014 | 552 pages | Prix indicatif : 8,10 €.
 

Antonio PENNACCHI - Canal Mussolini
On savait, de réputation, que les italiens en faisaient beaucoup, qu’ils brassent, qu’ils enrobent, qu’ils multiplient bien plus facilement qu’ils ne divisent. Avec ce roman, c’est oui et non. Oui, parce que beaucoup, beaucoup de pages (600). Non parce que peu de convictions dans le propos. Un lecteur qu’Antonio PENNACCHI essaye régulièrement d’embarquer dans son roman, qu’il cherche à intégrer à l’histoire, mais dans la douleur. A l’instar de La maison de Sugar Beach, j’ai été intéressé par le thème abordé (l’Italie de Mussolini, juste avant et pendant la seconde guerre mondiale). Une histoire annexe à ce qu’on peut qualifier de grande histoire de ce conflit mondial, que je ne connaissais pas, ce roman étant la bonne occasion d’immerger dans cette époque troublée. Mais en fait non. Le style est lourd, lent, inintéressant et, au final, je n’ai pas bien compris où l’auteur a voulu nous emmener. Canal Mussolini est, pour l’auteur, selon ses propres mots en introduction de ce roman, l’œuvre de sa vie. Définitivement pas la lecture de la mienne.
Antonio PENNACCHI | Canal Mussolini | Le Livre de Poche | Parution : 10/2013 | 600 pages | Prix indicatif : 8,10 €.

21 février 2014

SÉLECTION DU PRIX DES LECTEURS LIVRE DE POCHE – FEVRIER 2014

Reçue le 24 janvier 2014, j’attaque la lecture de cette première sélection du prix des lecteurs, celle du mois de février, le 26 janvier 2014, une fois terminée la lecture – séance de rattrapage en cours (Amin MAALOUF – Léon l’Africain, également au Livre de Poche, que je vous recommande), par Partages, de Gwenaëlle AUBRY. Objectif, comme chaque mois : ne choisir qu’un seul roman parmi la présélection. Première lecture intense, j’arrive au bout de ce premier roman –au final magistral ! – avec le sentiment que, ça y est, je tiens – déjà – mon premier choix. J’enchaîne avec L’Unité, de Ninni HOLMQVIST qui, pour résumer, se lit vite mais mal. Contradictions entre une lecture rapide mais un style plombant, un synopsis intéressant et une réalisation décevante. Enfin, je finis ce premier round de lecture par le roman coup de poing de Donald RAY POLLOCK, Le Diable, tout le temps. Grosse mandale, gros coup de cœur, de la même manière que Partages mais dans un style radicalement différent. Je ferme ce dernier livre le 7 février 2014, soit 936 pages lues en 13 jours. Et là, dilemme. Car si L’Unité est définitivement out pour moi, le choix s’avère cornélien entre Partages et Le Diable, tout le temps. Je ne validerai mon choix que le 18 février 2014, après une longue réflexion, en faveur du dernier roman lu : Le Diable, tout le temps de Donald RAY POLLOCK. J’attends avec impatience le résultat final des votes des jurés, pour savoir s’ils m’ont suivi dans mon choix ou pas. Chroniques des 3 romans ci-après :
 
Gwenaëlle AUBRY – Partages
Première lecture en tant que juré du Prix des lecteurs Livre de Poche, la question à laquelle j’ai dû tout d’abord faire face était : par quel livre vais-je commencer, et ce même avant de connaître les premiers romans en lice ? Vais-je agir selon mes coups de cœur, mes envies du moment ? Ou stratégiquement ? (oui mais quelle stratégie ?). Autant de questions inintéressantes au possible que j’ai rapidement balayé d’un revers. Après tout, faisons comme d’habitude, commençons par le roman que j’ai le plus envie de lire. J’ai donc commencé par Partages, Gwenaëlle AUBRY étant le seul écrivain dont j’avais entendu parler, à fortiori ce roman, Partages, m’avait titillé à l’époque de sa sortie grand format (en 2012), étant présent dans la toute première sélection du prix Goncourt, ainsi que dans la toute dernière sélection du Grand Prix du roman de l’Académie Française (elle n’aura pas, elle non plus, survécu à la déferlante Joël Dicker). Et commencer par un roman court m’a semblé opportun. L’auteur, romancière et philosophe, a eu droit au prestigieux prix Femina en 2009 pour Personne (son précédent roman), et nous offre ici une plongée vertigineuse dans le conflit israélo-palestinien à travers le regard incisif, terriblement cruel et brutal de deux adolescentes que tout oppose. L’écriture, toute en poésie et retenu, est limpide, et plus on plonge dans ce roman, plus on est pris de malaise, happé par une violence à peine esquissée. Seul regret : cette couverture limite mielleuse, proche des romans à l’eau de rose, qui ne rend pas justice à la profondeur poétique du texte et sa noirceur intrinsèque. Superbe.
Gwenaëlle AUBRY | Partages | Le Livre de Poche | Parution : 08/2013 | 192 pages | Prix indicatif : 6,90 €.
 
 
Ninni HOLMQVIST – L’unité
Autant dire que la petite Ninni (50 ans tout de même), je ne la connaissais ni d’Eve ni d’Adam. Mais comme L’unité est son premier roman, et qu’elle est suédoise, je n’ai pas trop à rougir, encore que la Suède évoquant pour moi une blonde à forte poitrine ou le berceau de ce son typique du death metal old school des années 90 j’aurais pu y trouver un intérêt. Mais non, ce premier roman est passé complètement inaperçu pour moi. L’Unité dépeint un futur, qu’on devine proche, dans lequel les humains sont classés en deux catégories : ceux qui sont utiles à la collectivité, principalement en ayant des enfants et en fondant une famille, et les autres, qui n’ont toujours pas d’enfants passé un certain âge jugés inutiles et donc superflus, qu’on va envoyer dans une unité isolée, sorte de ville autonome mais complètement refermée sur elle-même. Le synopsis est alléchant, mais ce roman a eu pour moi un effet bizarre, comme il m’est arrivé parfois avec certains autres romans (c’était le cas avec Les chaussures italiennes d’Henning MANKELL, La carte et le territoire de Michel HOUELLEBECQ ou encore Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine DE VIGAN), à savoir qu’on le lit facilement, presque d’une traite (malgré une écriture d’une lourdeur quasi pachydermique ici), mais rien n’accroche et surtout, on n’arrive pas à y croire. A aucun moment je ne me suis senti immergé aux côtés des personnages dans ce premier roman qui glisse tout seul, mais s’oublie aussi rapidement. Tout sonne faux, bref ça n’a pas marché avec moi, malgré un scénario d’anticipation plus qu’intéressant. Dispensable.
Ninni HOLMQVIST | L’unité| Le Livre de Poche | Parution : 11/2013 | 336 pages | Prix indicatif : 7,10 €.
 
 
Donald RAY POLLOCK  -  Le Diable, tout le temps
Dernière lecture pour cette sélection du mois de février, j’ai repoussé ce moment non pas par manque d’envie, au contraire, mais par crainte de ce que j’allais lire. Car ce premier roman est arrivé à moi en charriant une réputation plus sulfureuse que les pseudo triturations du guignol Dieudo. Le genre de lecture, dixit le vent de soufre, qui ne vous laisse pas de marbre et vous marque au corps. En gros, et quel que soit le genre, ce que j’aime.  Je vais être servi avec ce roman coup de poing, qui m’a évoqué l’ambiance de soufre de No country for old men des frères Cohen. Un road-trip infernal dans les Etats-Unis des années 50, une descente aux enfers vertigineuse et qui n’en finit pas, toujours plus loin dans l’horreur et la décadence. L’immersion est totale, la violence mêmement, et l’inhumanité en toile sanglante de fond. Puisse ce roman tomber dans les mains de Quentin Tarantino ou des frères Cohen !
Donald RAY POLLOCK  | Le Diable, tout le temps | Le Livre de Poche | Parution : 01/2014 | 408 pages | Prix indicatif : 7,10 €.

14 janvier 2014

Dany LAFERRIERE – Tout bouge autour de moi et L’énigme du retour


Impossible de savoir quelle révolution silencieuse se déroule au sein de l’Académie française depuis quelques années, peut-être même n’est-ce qu’une impression trompeuse, il n’empêche les hommes en vert nous prouvent, malgré leur grand âge (souvent critiqué, d’ailleurs, par les jeunes chroniqueurs littéraires un peu fous), qu’ils appréhendent avec beaucoup plus de modernité qu’on ne l’eut pensé notre société. Preuve, d’abord, le sacre, ces deux-trois dernières années, de romans en plein dans l’air du temps, absolument pas consensuels, pour le prestigieux Grand du prix du roman de l’Académie française. Et outre ses membres prestigieux (je pense fortement à l’excellentissime Michel SERRES), je constate avec beaucoup de plaisir les nominations récentes d’Amin MAALOUF et, en ce mois de décembre 2013, de Dany LAFERRIERE. En ces temps où la richesse de la diversité de la France est malmenée par quelques rigolos en carton-paille qui espèrent nous faire croire que leur business plutôt rentable au demeurant est un acte de révolte, de subversion, bref de contestation, ces nominations apportent un bol d’air frais, en défendant le brassage qu’a toujours été le peuple français par le verbe au travers de leurs superbes romans (que je vous recommande) ; plutôt impressionnant pour des exilés (du Liban, d’Haïti, et certainement d’autres, d’ailleurs).

Car Dany LAFERRIERE, oui, et pour en revenir à lui, est un exilé, et nous rappelle dans ces deux romans, L’énigme du retour et Tout bouge autour de moi, que nous venons indéniablement d’un lieu, d’une culture, quoi que l’on veuille. A la fois grave et poétique, il ramène, dans L’énigme du retour, l’esprit de ce père mort avec lui. Il y parle de lui, de la jeunesse à l’âge mûr et entre les deux le temps pourri de l’exil. Sans lyrisme, sans pathos, il nous montre le sang-froid des Haïtiens après le terrible tremblement de terre de janvier 2010 – dont plus personne n’entend parler d’ailleurs.
Et nous rappelle que, même exilé, loin de son pays natal, on ne part jamais complètement.

Dany LAFERRIERE | Tout bouge autour de moi| Le Livre de Poche | Parution : 08/2011 | 182 pages | Prix indicatif : 6,10 €.

Dany LAFERRIERE | L'énigme du retour| Le Livre de Poche | Parution : 08/2013 | 280 pages | Prix indicatif : 6,60 €.

6 janvier 2014

Prix des Lecteurs - Livre de Poche 2014


Je lis. Beaucoup (il me semble). Ayant une accointance particulière et indépendante de ma volonté à la psychorigidité, je tiens de manière régulière un tableur de suivi de mes lectures incluant des informations telles que la date d’achat des livres, le lieu de leur achat, mais également leur prix, nombre de pages, éditeur, évidemment leur nom et celui de leur auteur, sans oublier la date de parution du livre et les dates de lecture, plus quelques autres informations et commentaires (on est prié de ne pas se moquer). Ce qui me permet d’établir un certain nombre de statistiques - dont vous vous fichez sans doute éperdument, mais je m’en fous, et les plus moqueurs d’entre vous, je crois les connaître, je les emmerde, oui je sais c’est pas très poli pas très classe sur un article qui se dit vouloir parler littérature, c’est pas grave je vous emmerde quand même, oh pas tout le monde non plus, mais c’est mon côté un peu borné (j’ai failli écrire têtu, mais certains esprits tordus, oui oui il y en a, je me rends compte que je côtoie un paquet de zozos, auraient sauté sur l’occasion pour me traiter de chochotte) - parmi lesquelles, disais-je, le nombre de livres lus par an (74 en 2012, 71 en 2013, avant je sais pas j'ai pas noté), le nombre de pages (bordel, 17 639 pages en 2012 et 17 537 pages en 2013 !), le nombre de pages hebdomadaire (depuis 2 ans, date de début de ce tableur, une moyenne de 62 pages par jour) ou, pour se foutre le moral en l’air, le coût annuel de ces bonnes feuilles (920 euros en 2012, gloups !). Fort de ce volume non négligeable, considérant donc, comme je le faisais remarquer au tout début, que je lis beaucoup, je tombe à la mi-octobre sur une annonce sur le site du Livre de Poche (http://www.livredepoche.com) qui, comme tous les ans, invite ses lecteurs à s’inscrire afin de devenir juré du Prix des Lecteurs 2014. En deux clics nerveux, je ne sais pas ce qui m’a pris, j’étais inscrit, section « Littérature » (il y avait le choix avec « Polar », mais je n’en lis que très occasionnellement). Peu d’informations furent nécessaires pour s’inscrire, mis à part le classique état civil minimum, ainsi que l’adresse et les trois derniers livres lus (de mémoire : Valentine GOBY « Banquises », Laurence COSSE « Les amandes amères » et Dany LAFERRIERE « L’Enigme du retour »), plus une argumentation de 500 caractères maxi. Et puis les semaines passent, sans son ni image. Jusqu’à ce jour de la début janvier (plus de deux mois après mon inscription) où, ouvrant ma boite mail, j’apprends que j’ai été choisi pour faire partie des 260 jurés du Prix des Lecteurs 2014 (130 section « Littérature », 130 section « Polar »). Passée la joie digne d’une pucelle venant de se faire tambouriner le lardon par une armada de Bratwurst puis s’être fait assommer la truite sur le lavabo pour libérer l’Actimel, je prends connaissance des réjouissances qui m’attendent et du rythme à tenir : entre février et août, je vais recevoir une sélection de 3-4 romans par mois, qu’il faudra lire et commenter (voire chroniquer, ce serait mieux, je vais essayer de m’y tenir), pour aboutir fin août à une sélection finale de 4 romans (sur un total de 24) dans laquelle chaque juré devra encore voter pour son favori, désigné courant septembre dans une liesse populaire comparable à la renaissance du fabuleux fanzine O3. Et tiens, puisqu’on en parle, je réalise que le travail (passionnant) abattu durant ces quelques années à sortir un fanzine avec son important lot de chroniques et d’interviews (encore un grand grand merci aux grands contributeurs qu'ont été Xav, Geoffroy et Scalp, ainsi qu’aux plus petits dont notamment la bien-nommée Cathy Penflamme) m’a manqué – même si, soyons tout à fait honnête, je ne vois pas trop quand-comment-qu’est-ce j’aurais pu y consacrer le temps nécessaire pour que l’aventure puisse perdurer sereinement. D’où la raison pour relancer ce blog, en veille depuis plusieurs années, sur lequel je vais m’attacher à vous faire partager cette expérience de juré du Prix des Lecteurs 2014 (ça claque non, vous trouvez pas ?), avec – promis – des chroniques de chacun des livres de la sélection (comme au bon vieux temps, c’est-à-dire que je vais donner mon sentiment, bon ou mauvais, sans trop de détour). Et toujours encore d’autres choses tournant autour de mes autres passions : course à pied et musique.
Quant au début de cette aventure, la première sélection pour le mois de février (3 romans) devrait débarquer dans ma boîte aux lettres fin janvier. Affaire à suivre...

2 décembre 2013

Sorj CHALANDON - Retour à Killybegs

Salué par la critique et plébiscité par l’Académie française (qui, parenthèse, effectue depuis quelques années un sans-faute dans ses choix pour le Grand Prix du Roman avec ce roman mais également La vérité sur l’affaire Harry Québert de Joël DICKER en 2012, que je vous invite à lire au plus vite faute de quoi vous avez raté l’un des 5 romans de l’an dernier), j’étais passé à côté de ce roman sans véritable raison, et plus largement à côté de cet auteur pour le même motif. Séance de rattrapage avec la publication en août 2012 de ce roman en poche, qui a failli rater mêmement puisque consécutivement à l’achat de ce roman, j’ai tout de même laissé passer plusieurs mois, quasi une année, avant de m’abandonner – enfin – à sa lecture. Et la plongée est hallucinante, en terre irlandaise, dans ce conflit aujourd’hui complètement oublié mais qui, souvenons-nous, a rythmé de façon sanglante les années d’après-guerre. Dans un style aussi puissant que subtil, Sorj CHALANDON tisse le fil, ténu, entre haine et trahison. Le sang de la révolte, de la fierté d’appartenir à une terre, imbibe les pages de ce roman. On y lit l’âpreté sans le ton larmoyant, l’engagement d’un peule sans le pathos, la rudesse dans sa plus simple expression, avec une distance dans l’écriture de Sorj CHALANDON juste. Un auteur profond, intense, et qui mérite amplement cette récompense, mais également celle du Goncourt des Lycéens obtenu récemment pour son nouveau roman, Le quatrième mur.
 
Sorj CHALANDON | Retour à Killybegs | Le Livre de Poche | Parution : 08/2012 | 332 pages | Prix indicatif: 6,75 €.

7 novembre 2013

Jacques CHESSEX – Un juif pour l’exemple


Par curiosité, parce que son roman, L’Ogre, publié en 1973 (année de ma naissance), reçut également cette même année le prestigieux prix Goncourt, je décidai de le lire et de découvrir ainsi l’univers de Jacques CHESSEX. Autant avertir les plus prudes d’entre vous, Jacques CHESSEX aime enfoncer le couteau dans les plaies encore sanglantes, et aborde ici, par la porte du fond comme bien souvent, le sujet de la shoah, de cette haine des juifs, dans l’Europe ravagée par la guerre, en Suisse ici. Il y a la grande sale histoire de la guerre. Ses charniers, ses massacres, son lot d’horreurs, qui en appellent au collectif, que ce soit à cette organisation massivement orchestrée, ce crime contre l’humanité en un gros bloc compact, mais aussi, plus tard, trop tard, l’indignation, mondiale, universelle, là-même où le sang s’est répandu et bien au-delà. Et il y a aussi les petites histoires, à ras terre, à taille humaine, en face à face, mais avec la même déshumanité, le même foyer de haine, la même origine du Mal. « Un juif pour l’exemple » fait mal là où on n’aimerait pas regarder, alors même que, dans le fond, chacun s’est retrouvé asphyxié par l’horreur nazie tout autant que – j’ose l’avancer -, d’une certaine manière, rassuré qu’une telle horreur soit l’œuvre d’une machine infernale, d’une organisation diabolique, aujourd’hui démantelée, ouf !, respirons tous, le mal est détruit, alléluia, c’est pas moi c’est l’autre, et l’autre n’est plus. Oserais-je – encore – mettre en résonance notre actualité, aujourd’hui en France, alors même qu’on assiste à une recrudescence (c’est du moins ce qu’on veut bien nous faire avaler) des petits actes, anodins de prime abord, les petites phrases envoyées dans le seul but d’être rattrapées et de rebondir autour de soi, ces petites violences qui finissent par effriter le socle républicain, en douceur. Car de ces petits actes, lentement, pernicieusement, se développe une idéologie plus globale, qui prend les couleurs détournées de la flamme tricolore, dans le silence populaire. Ouvrez les yeux. Lisez Jacques CHESSEX.
 
Jacques CHESSEX| Un Juif pour l'exemple | Le Livre de Poche | Parution : 09/2010 | 96 pages | Prix indicatif: 4,60 €.

4 novembre 2013

Un dimanche matin à la piscine

Inauguration dimanche matin de ma première séance d’une série sobrement intitulée « 3 heures and more », idée sadique qui m’a été soufflée par mon kiné lors des séances de rééducation cet été pour tenter de palier aux crampes que je ne parviens pas à éviter lors de gros efforts (type marathon), mais également pour essayer d’éviter une nouvelle blessure dont, j’avoue, je me passerais bien (kiné que je recommande chaudement : Benoit FREY, kinésithérapeute à la Maison de la Santé Galenus à Bartenheim, voilà c’est fait). Son idée est simple : plus mon corps s’habituera à encaisser de gros efforts régulièrement, moins il viendra se plaindre avec des crampes ou blessures (c’est con hein ?). Concrètement, je l’ai traduit par : une grosse séance course à pied (plus de 3 heures, soit en gros franchir puis progressivement dépasser le fameux mur des 30 kilomètres) planifiée tous les premiers dimanche du mois.
Mon horloge interne, passablement habituée à se faire réveiller le dimanche matin aux alentours de 6 heures, se trouve particulièrement remontée en ce dimanche matin contre cette décision unilatérale dont elle n’est plus prête à assumer la paternité aujourd’hui, bordel de cul. Mais obtempère, du mauvais pied. J’avale donc un petit déjeuner rapide tout en échafaudant de multiples plans de repli me permettant de reporter cette séance, parce que bon décoller à 7 heures du matin c’est déjà chaud, mais surtout il pleut des hallebardes. Ce qui me fait dire que le défi perpétuel de la course à pied, qui est de se faire face sans possibilité de se mentir, d’aller au-delà de ses limites, et de n’avoir pour seul ennemi que soi-même, ce défi-là débute avant même de courir (oui, je sais, mon créneau philosophie introspective, c’est le dimanche matin, de 6 à 7). L’école de l’humilité, certes, mais avant course c’est plutôt hypocrisie et petit mensonge entre freudiens. Passons.
 
J’avais repéré un parcours sympathique, d’une trentaine de kilomètres (pour 450 m de dénivelé positif), avec un tronçon que je n’avais jamais fait. La mise en jambes Rantzwiller-Steinbrunn-le-Bas-Landser se déroule à merveille… sous la pluie (de topute façon, au bout d’un moment, trempé pour trempé…). Puis j’attaque le tronçon jamais effectué (Landser-Bruebach, pour raccrocher Illfurth en terrain connu) et, évidemment, je me perds. A croire que mon côté femme se manifeste pour chaque grosse sortie, c’est d’ailleurs ce double chromosome X qui foutrait la merde que ça m’étonnerait pas tiens. Bref, je reviens sur mes pas, tourne un peu en rond, avant d’atteindre Bruebach, mais pas du tout là où je l’avais prévu. Je reviens bon gré mal gré sur ma route, me perds à nouveau dans les champs, et retrouve ma route, tout ça m’ayant valu un petit détour de 3-4 kilomètres under the rain, merci mesdames, vraiment j’apprécie. Arrivé à Illfurth après avoir fait la causette à 4 chevreuils (pas très bavard le bestiau, entre parenthèses), je croise ce coup-ci une tribu de chasseurs, suisse de surcroît (plaques « JU » ornant les 4x4 typiques de cette espèce). Mes connaissances cynégétiques, bien que minimes, me permettent toutefois d’identifier, en gros, deux types de chasse : celle active, je prends mon fusil et je traverse la forêt pour traquer le gibier, ou la passive, j’attends bien tranquillement le fessier posé sur une chaise d’appoint, bien emmitouflé, que des rabatteurs attirent le gibier vers moi, et si le degré de sang dans mon alcool n’a pas franchi le seuil critique je parviens à bousiller l’animal. Les suisses, ici en terrain conquis, ont visiblement opté pour la seconde option, avec une rigueur toute helvétique (un chasseur tous les 20 mètres, ils ont dû se dire qu’avec le volume de rouge qu’ils venaient de s’enfiler, il fallait déployer au minimum une toile de cette densité), et je ne peux m’empêcher de demander de manière ironique à l’un ou l’autre de ces spécimens – ceux dont l’apparence globale semble la moins imbibée, suis pas fou non plus – s’ils ne sont pas trop fatigués (rapport à leur position assise, tout juste mouillés, inversement proportionnelle à la mienne, debout et plein de boue). Réponse, au mieux un sourire béat, au pire un sourire béat (des suisses quoi). 
 
J’arrive à Luemschwiller dans un déluge de pluie (bon sang, mais je fais quoi là ?...), direction Obermorschwiller – Wahlbach (je sais jamais, y a deux « h » dans le Wahlbach près de chez moi ?... ouais, deux « h »). Déjà 2h30 que je trotte, la fatigue commence à se faire sentir, mais globalement je me sens plutôt bien. Je finis cette petite virée dominicale au bout de 185 minutes, plutôt content le bonhomme. Juste que mes chaussettes ont changé de teinte, et qu’elles sont sans doute irrécupérables. Nouveau test un peu plus costaud prévu dans un mois (ou pas). En attendant, la bise aux suisses.

1 novembre 2013

Vassilis ALEXAKIS – La langue maternelle

 
Le cheminement qui aboutit parfois à la lecture d’un livre peut s’avérer particulièrement biscornu. Ça a été le cas pour moi avec La langue maternelle de Vassilis ALEXAKIS. Si je n’avais rien lu de l’auteur jusqu’à ce jour, sa présence dans la plupart des sélections de prix littéraire à la rentrée 2012 avec son roman - L’enfant grec - m’avait bien plus que mis la puce à l’oreille, autant que son passage, attrapé au hasard d’un zapping télé nerveux entre les poumons de Nabila, l’indécente épaisseur de la robe, mini, de Victoria Silvstedt et la chevelure – raréfiée – de Jean-Pierre Elkabbach dans Bibliothèque Médicis (sur LCP, La Chaine Parlementaire !, mais O Grand Dieu comment ai-je pu tomber là-dessus, par quelle déveine suis-je tombé si bas, et in fine pourquoi tant de haine ?), cette dernière émission proposant un entretien avec l’écrivain franco-grec concerné, dont les propos m’avaient particulièrement touchés, même si je me vois bien incapable de vous les retranscrire ici, ce qui en définitive n’aurait aucun intérêt puisque il est présumé que la lecture de ce blog doit vous inciter, si possible, à lire ou non tel ou tel roman, et non vous raconter ma soirée télévisuelle ratée (et pour le coup, c’est raté). Ajoutez à cette première bonne impression la référence faite à La langue maternelle dans le  livre de Jean-Marc ROBERTS, Deux vies valent mieux qu’une (recommandé par tous, méchants critiques ou gentils bloggeurs, mais pas par moi, désolé de ne pas avoir plus de convenance que cela avec l’unanimité, et pour tout vous dire il en est allé de même avec l’infâme La liste de mes envies de Grégoire DELACOURT, lu et revendu aussi sec, intérêt littéraire proche de celui du cerveau anémié d’un poulpe germanique adepte de ballon rond, j’en étais où déjà, il serait peut-être temps de cesser de divaguer avec le fil), il aura suffi, disais-je donc, d’un hasard fortuit (j’entre dans une librairie d’occasion, c’est déjà rare, armé de mes deux enfants échaudés, c’est nettement moins rare, par une journée aride, le résumé du bonheur, et je tombe quasi nez-à-nez avec ce bouquin vendu en occasion, ce qui me procure également la joie de ressortir en  trente secondes chrono de ce lieu de tentation, livre de poche en poche) pour me plonger dans la lecture de ce qui aura été le prix Médicis 1995. A ce stade de ma chronique, remarquez que vous ne savez absolument rien de ce roman hormis la double nationalité, française et grecque, de son auteur, mais limite vous êtes atteint de poliomyélite si vous n’avez pas ne serait-ce qu’eu une intuition sur une des deux. Et dans le fond vous devez sans doute vous en contreficher. Par contre, vous avez deviné tout un tas d’autres choses qui ne font pas du tout avancer le schmilblick de Vassilis ALEXAKIS : 1. Nabila possède une proéminence pulmonaire plus que visible, peut-être même découvrez-vous son existence (à Nabila) alors que vous usez un combiné téléphonique depuis belle lurette (mon subconscient a failli écrire levrette, allez comprendre), non non ne me remerciez pas 2. Il fait une chaleur torride en Suède 3. Derrick, cet infâme Obersturmführer, a été remplacé dans le cœur des ménagères par Bibliothèque Médicis 4. Ne lisez surtout pas Deux vies valent mieux qu’une de feu Jean-Marc ROBERTS (paix à son âme) et encore moins La liste de mes envies de Grégoire DELACOURT 5. J’ai deux enfants, adorables au demeurant malgré les apparences, et 6. Je suis zappeur dans l’âme (mais en fait, non).
Ce roman, initiatique, nous plonge dans le mystère, celui des origines, parfois troubles, de la recherche de son pays natal, au travers de l’élucidation d’un mystère qui semble contenir toutes les incertitudes - toutes nos incertitudes : quel est donc le sens de la fameuse lettre E jadis suspendue à l'entrée du temple d'Apollon à Delphes ? J’ai horreur de disséquer un livre, de jalonner un chemin, celui de la lecture, de fragments. La langue maternelle, roman sans intérêt de prime abord, ne nous dévoile sa profondeur qu’une fois les dernières pages refermées. A vous de franchir le pas.

Vassilis ALEXAKIS | La langue maternelle | Folio | Parution : 01/1995 | 416 pages | Prix indicatif: 4,50 € (en occasion).


29 octobre 2013

Mégalithes du Steinberg

La saison des épreuves de course à pied 2013 - la mienne en tout cas - s’achève, avec un bilan mitigé, notamment par cette déchirure musculaire au mollet survenu lors du Trail des Marcaires (31 kms, 1500m de dénivelé positif, 15cm de neige au sommet du Hohneck, chute au kilomètre 15 dans une descente avec douleurs immédiates aux mollets, je pensais à des crampes donc je suis allé au bout, arrivée dans la douleur au bout de 4h25mn, 148ème sur 266, suite à cela 4 semaines de béquilles, 8 semaines sans courir, 12 séances de kiné, après ce rapide résumé 1. la gent féminine doit être en admiration devant l’Homme 2. j’ai dû vous tirer une petite larme 3. je peux fermer la parenthèse). 6 épreuves au compteur tout de même, équitablement réparties entre course sur route (20 bornes de Huningue le 10 mars, Marathon de Bâle le 22 septembre, 4 mois après ma blessure, si vous n’aviez pas été ébahi par la machine lors de la précédente parenthèse, c’est le moment parce que là, promis, j’arrête, et 10 kms de Peugeot le 20 octobre) et trail (Trail du Petit Ballon le 17 mars, Trail des Marcaires – donc – le 26 mai, et enfin Course Nature ex-Ferrettoise le 13 octobre). Je revois donc mon entrainement pour l’année prochaine, en prévoyant une fois par mois une grosse sortie (3h minimum), histoire d’habituer mon organisme à encaisser de gros efforts, et espérer éviter ainsi les blessures et crampes rédhibitoires pour l’instant. Se fixe aussi dans le viseur les objectifs pour 2014, avec à ce jour deux courses programmées (bien que pas encore inscrit) : le Trail des Marcaires le 25 mai 2014 (comme une odeur de revanche), et la Montée du Grand Ballon le 15 juin 2014. En gros, de la moyenne montagne. Du trail. D’où la programmation de cette sortie dominicale, à la fraîche.

 



Réveillé dimanche matin à 5h30 (comme les poules) (ou les retraités), je décolle à 6h15 pour arriver une heure plus tard, alors que le soleil ne s’est pas encore levé, à Breitenbach (tiens, c’est rigolo, pas loin de Muhlbach-sur-Munster, départ du fameux Trail des Marcaires…) pour un parcours jamais effectué, programmé sur le papier, et qui s’annonce beau mais dur (plus de 15 kilomètres pour près de 800m de dénivelé positif encaissés sur la première moitié du parcours). Les six premiers kilomètres, c’est simple, ne font que monter, d’une altitude de 450m à Breitenbach jusqu’à 1 150m, vers le premier objectif de cette course, et sans doute le plus impressionnant : les mégalithes du Steinberg. Mais le parcours débute d’abord par une brève historique, passant dans la forêt à proximité d’un cimetière militaire allemand (1ère guerre mondiale) comme il en existe un certain nombre dans notre région (je pense à celui d’Illfurth notamment, pas loin de chez moi). Au bout d’1,5 kilomètre, la route praticable laisse la place à un sentier de montagne dans la forêt de l’Ilienkopf. Puis un autre kilomètre plus loin, cette forêt s’ouvre pour longer la crête avec une vue superbe sur les villages de Metzeral et Sondernach. On déroule ensuite tranquillement (façon de parler, d’ailleurs parlez-en à mes cuisses…) sur 2 kilomètres avant d’atteindre les chaumes, changement de paysage surprenant à la sortie d’un bosquet. Et ça continue de monter sec avant d’atteindre le premier objectif, le Steinberg et ses mégalithes impressionnants en arrivant par les chaumes au lieu-dit Grothkopf. Tels des menhirs, ou les personnages de l’île de Pâques, me voilà plongé en plein milieu de ce spectacle grandiose de la nature, imaginant les cultes celtiques jadis célébrés en ces lieux, peut-être, il y a quelques siècles. Je m’offre une pause, après tout la course en montagne serait complètement dénuée d’intérêt sans ces moments de contemplation, au milieu de ce paysage magnifique. Et c’est reparti pour la dernière montée avec le point culminant de cette sortie, à 1 270m d’altitude : le sommet du Petit Ballon. Après avoir tenté de souffler la brume recouvrant les villages plus bas, je repars par le  même chemin, faisant une nouvelle halte pour admirer ces impressionnants mégalithes, vestiges du soulèvement des Alpes (et éboulement des Vosges).
 
C’est chargé de vibrations que je reprends en sens inverse le chemin. En descente. Et me promet d’embarquer ma petite famille admirer les mégalithes du Steinberg à la faveur d’une météo plus clémente, donc au mieux d’ici quelques mois.
Carte IGN : 3719. Distance : 15 km. Dénivelé positif : +800 m.